Le sculpteur suédois Carl Milles (1875-1955), qui résida à Paris de 1897 à 1904 par admiration pour Rodin,  fut l'une des figures principales de l'art suédois de la première moitié du XXe siècle. Milles fut en quelque sorte à la Suède ce que Gustav Vigeland avait été à la Norvège. La propriété qu'il avait acquise avec son épouse sur l'île de Lidingö, érigée de son vivant en fondation, est devenue l'un des musées les plus originaux jamais consacrés à la sculpture, où les oeuvres entrent en étroite résonance avec la nature, l'eau et le ciel. Certaines de ses oeuvres sont devenues des icônes de la culture suédoise, de la statue monumentale d'Orphée devant la salle de concert due à l'architecte Ivar Tengbom, à Stockholm, au Poséidon en bronze de Göteborg.

"Il est certain, écrit l'auteur, que l'on peut, en pénétrant à Lidingö dans la demeure de Milles, prononcer cet aphorisme, malgré sa trivialité : "la maison résume l'homme". Chez Milles, la maison résume non seulement l'homme, mais encore l'artiste et son art tout entier [...] Dans ses jardins, aussi bien que dans son oeuvre, mieux encore même, on lit à livre ouvert ; et toutes les caractéristiques de la personnalité de l'artiste, sa volonté, ses joies, ses doutes, ses aspirations, ses nostalgies, ses enthousiasmes y sont inscrits à chaque pas. En édifiant sa maison, et en la faisant peu à peu plus grande et plus belle, en traçant ses jardins, en les modifiant, en les enrichissant sans cesse, en projetant agrandissements et aménagements futurs, Milles se livre à nous, nous permet de pénétrer sa pensée et le sens profond qu'il a de la vie [...] C'est en sculpteur qu'il conçut son oeuvre, la comprenant par volumes plus que par plans. Sur son terrain tourmenté, les changements de niveau étaient de réalisation relativement facile. Aussi Milles sut-il en jouer à merveille, créant des terrasses bordées de colonnades, des perspectives, des cours, des jardins, des pièces d'eau [...] En créant ses jardins, Milles se donnait la possibilité de montrer enfin de la sculpture dans le milieu qui lui est propre ; de la mêler à la nature, de l'éclairer au soleil, de la faire participer à un ensemble, à la vie."