"Il avait mis tout son génie dans son oeuvre. Sa vie était sans histoire", écrit le critique Waldemar George (1893-1970) dans une phrase qui ne manquera pas de laisser le lecteur pantois lorsqu'on sait ce qu'il en fut précisément de l'Histoire pour ce sculpteur durant les années d'occupation. Dans l'après-guerre, Waldemar George va jusqu'à glorifier Charles Despiau (1874-1946) -admirateur et biographe d'Arno Breker, dont l'oeuvre annihilait précisément toute forme d'humanisme classique par sa démesure inhumaine et hors d'échelle- pour son "oeuvre à hauteur humaine." Dès les années vingt, W. George avait été très marqué par la lecture du Déclin de l'Occident (1919) de Spengler, au point de paraître désormais "obsédé par la régénération de l'art français." Dans Despiau vivant, le critique pousse plus avant encore le paradoxe puisqu'il décèle dans cet oeuvre les conditions mêmes d'une possible "reconstruction", reprenant de facto à son propre compte cette notion fondatrice de la vie artistique de l'année 1946 : Despiau, insiste-t-il, "a rendu à l'Homme le sens d'un art humain. Il a contribué, comme dirait Daniel Rops, à sa reconstruction." Dans ce contexte culturel, la statue d'Apollon, achevée peu avant la mort du sculpteur, sera érigée par son biographe en emblème du "principe actif de l'homme occidental."  George n'hésite pas à conclure en dressant  "la statue protectrice de ce dieu bienfaisant" face aux "puissances hostiles qui nous menacent."
Le titre de W. George prend alors toute sa dimension programmatique : "Despiau n'est plus. Mais son art est présent."