Courajod, Louis
Histoire du département de La sculpture moderne au musée du Louvre
Liste des ouvrages
La part de la France du Nord dans l'œuvre de la Renaissance
Courajod, Louis
Imprimerie nationale, Paris, 1890.
Petit in-4, demi-percaline verte à coins, couverture conservée, dos lisse avec pièce de titre, lettres dorées, 34 pp.
Avec quinze planches en noir et blanc en hors-texte.
Bel exemplaire. Coiffes et pièce de titre légèrement frottées. Des rousseurs éparses.
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Quand il prononça cette conférence sur La part de la France du Nord dans l'œuvre de la Renaissance à l'Exposition universelle de Paris de 1889, Louis Courajod (1841-1896) était conservateur-adjoint au département des Sculptures du Moyen-Age, de la Renaissance et des temps modernes. "Ce célibataire catholique, si attachée à sa mère qu'il se laissera dépérir après sa mort, écrit G. Bresc-Bautier, n'a qu'une unique passion, le Louvre, et plus précisément la Sculpture au Louvre, après être entré au département comme en religion en 1874." Hormi un passage au Cabinet des estampes de la Bibliothèque nationale, ce chartiste effectua, en effet, la totalité de sa carrière au musée du Louvre. Il finit par devenir conservateur en 1893 ; en 1896, son disciple André Michel lui succédait après sa disparition prématurée. La forte personnalité de Courajod demeure indissociable de sa conception polémique et résolument militante de l'enseignement à l'Ecole du Louvre. La chaire d'histoire de la sculpture du Moyen Age et de la Renaissance lui avait été attribuée dès sa création, en 1887, et ses cours prirent souvent l'allure d'une croisade intellectuelle contre les dogmes qu'il jugeait tyranniques, en particulier ceux de l'Académie, dont il ne cessera de fustiger, entre autres, l'ultramontanisme, le culte de l'art antique et la condescendance vis-à-vis de l'art médiéval, autant de trahisons à ses yeux du génie national. Cet enseignement lui a surtout offert l'opportunité de "donner corps et forme à des idées jusque-là semées de façon diffuse dans ses écrits." Son intransigeance parfois entêtée jusqu'à la mauvaise foi heurtera bien des membres de son auditoire et lui vaudra l'hostilité de nombre de ses collègues. La part de la France du Nord dans l'oeuvre de la Renaissance reprenait en fait la leçon d'ouverture de son cours de l'année 1888-1889. Dès qu'elle lui a été offerte par la direction de l'Exposition universelle, Courajod a donc "saisi avec empressement, ainsi qu'il l'écrit, l'occasion de [s]'adresser à un public plus nombreux que celui de l'Ecole du Louvre." Prononcée le 20 juillet 1889, cette conférence est emblématique de l'ardeur combative parfois excessive de son auteur. Homme de son temps, Courajod ancre ses positions historiques et esthétiques sur un nationalisme artistique très tranché. Son esprit fonctionne souvent de manière binaire, ce qui explique l'omniprésence de la polarité Nord-Sud dans ses travaux. Comme l'a noté Eric Michaud, cette antithèse abrupte "prenait chez Courajod les allures d'un règlement de comptes national-raciste avec le romanisme ou la latinité [...]" Ce texte constitue donc un important document d'histoire de l'histoire de l'art, qui lie reconnaissance du génie national français et indépendance à l'égard du modèle antique. Courajod rejette la primauté de l'art italien et ramène la Renaissance dans le giron de "la grande et large part de la famille française du Nord et de la famille flamande." Loin de naître en Italie de la réappropriation de l'art antique par les artistes italiens, affirme Courajod, la Renaissance eut pour cause le réalisme d'essence populaire issu des expériences menées en Flandre et en Bourgogne : "Tandis qu'ils considéraient cette aurore si longue à s'ensoleiller, nos historiens et nos érudits tournaient systématiquement le dos à la vraie lumière. Il y a longtemps déjà qu'elle existait la régénération de la pensée du moyen âge ; il y a longtemps déjà que le renouvellement s'était produit, et ce n'est pas de Rome qu'il était venu. Une renaissance franco-flamande achevait presque déjà sa première évolution quand commençait seulement la renaissance italienne." Et Courajod de persévérer dans sa conclusion : "Personne ne conteste aujourd'hui à la France l'honneur d'avoir donné au monde le type le plus accompli du style gothique. Un jour viendra où personne ne contestera à la France du Nord et surtout à la Flandre l'honneur d'avoir provoqué le magnifique mouvement d'opinion qui a succédé au moyen âge, qui produisit l'art moderne et que la pédagogie, trompée par les apparences, a eu bien tort de qualifier du terme impropre de Renaissance, et d'attribuer exclusivement à l'Italie." Dans la suite de ses relectures abusives, Courajod, on ne s'en étonnera guère, professera par ailleurs une franche détestation du XVIIe siècle français, qu'il accusa "d'avoir été le siècle de la trahison, du reniement, de la lente et progressive soumission du génie national aux formules inventées dans les premières années du XVIe siècle en Italie [...] Il blâma la révolution davidienne, puisque révolution il y eût, de n'avoir jamais été qu'un avatar, une résurgence de l'antiquomanie, qui au lieu de les en sortir, fit replonger les sculpteurs français dans l'ornière classique et romaine." (Un combat pour la sculpture, Louis Courajod (1841-1896), Ecole du Louvre, 2003, p. 81) Le romantisme de Rude ("l'héritier fidèle de ses aïeux, les imagiers bourguignons"), de Barye, de Carpeaux, en revanche, sera magnifié comme un retour aux sources du génie créateur français, "mu par une fidélité ancestrale, un réflexe atavique."