Ce bref essai sur Guernica est issu d'une conférence prononcée en 1966 par Anthony Blunt (1907-1983) dans une université canadienne de l'Ontario, dans le cadre des Whidden Lectures. Les travaux précédents de Sir Anthony sur Picasso concernaient plutôt les périodes antérieures de l'artiste, notamment Picasso : The Formatives Years - A Study of His Sources (1962). Le désir de Blunt de faire retour sur cette oeuvre emblématique de Picasso reste indissociable de son propre itinéraire esthétique et politique. Une trentaine d'années plus tôt, la conversion soudaine de Blunt au marxisme avait signifié son rejet brutal de tout un pan de l'art moderne naguère adulé. Dans ses Souvenirs, l'historien d'art est revenu à propos de Guernica sur ses positions nouvelles dictées par l'idéologie : "De mon point de vue, la bataille décisive eut lieu en 1937 avec la présentation de Guernica par Picasso, dans le pavillon d'Espagne à l'Exposition universelle de Paris. Je fus bouleversé par l'oeuvre elle-même, mais horrifié en même temps pour des raisons doctrinales. J'écrivis dans un article pour le Spectator que ce n'était pas de cette manière qu'il convenait de commémorer une poignante tragédie humaine et révolutionnaire. On se souviendra que Picasso n'était pas encore communiste à l'époque mais qu'il soutenait activement les gouvernements et la gauche en Espagne. Je trouvai que Guernica n'était que l'expression de son sentiment personnel d'horreur, sans adopter la cause du prolétariat en général, ni les problèmes fondamentaux de la Guerre civile espagnole [...] Herbert Read contre-attaqua vigoureusement. Bill Coldstream se rangea à mes côtés. Read s'acquit le concours de Roland Penrose et la querelle fit rage sur le naturalisme de Picasso et la signification de Guernica dans le contexte" Et Blunt de conclure, avec lucidité et ironie : "La polémique finit par s'éteindre et il ne me reste qu'à donner raison de tout coeur à Read et à ses propos d'alors. Du reste, j'ai depuis longtemps fait amende honorable et désavoué mes positions d'autrefois sur Guernica." Ce dernier essai en fait foi...