Archéologue, historien d'art et homme politique, Emeric-David (1775-1839) fut au cœur des débats et querelles autour des doctrines esthétiques entre 1800 et 1815. Son grand adversaire, Quatremère de Quincy (1755-1839), aura consacré tous ses écrits à défendre la cause du classicisme et le dogme de l'idéal en art. Il n'aura cessé de dénoncer ce qui débute avec Emeric-David : l'école du modèle, dont l'aboutissement sera la doctrine romantique de l'imitation de la nature, qui devait mener, pour une part, au réalisme. Adepte du langage néoclassique, Quatremère de Quincy voit dans l'allégorie l'"idéogramme" parfait qui doit permettre à l'artiste de transposer la réalité dans un concept "que la nature ne lui présentera jamais en réalité." Imiter, cette notion essentielle chez Emeric, prenait une signification totalement différente chez son rival. Dans son essai L'Imitation, publié en 1823, Quatremère demandait à l'artiste d'atteindre à "l'imitation idéale", qui est le propre de l'art. Selon ce théoricien, puisqu'il n'y a d'imitation que "dans le monde des idées", imiter signifie créer une "image" à partir d'un "modèle idéal" ou concept, qui appartient en propre à l'artiste. L'ouvrage d'Emeric-David, qui prenait le contre-pied de ces théories, fut l'objet de vifs débats dans les milieux artistiques. La collaboration de l'auteur avec le sculpteur Jean-Baptiste Giraud (1752-1830), "cet ardent et studieux émule des Grecs", fut sans doute déterminante dans sa maîtrise théorique et pratique des règles qui régissent l'art statuaire ; contrairement à Quatremère, Emeric n'avait en effet nullement été formé au préalable à cette discipline. "Je satisfait le voeu de mon coeur, en rendant publiquement à ce statuaire, consacré tout entier aux progrès d'un art qu'il honore, l'hommage que je lui dois", prévient l'auteur dès l'avertissement. Au culte de la beauté idéale, Emeric-David répond par un aphorisme provocant : "Rien n'est beau que le vrai." Contrairement à Winckelmann, l'auteur lie la perfection de l'art grec à l'observation de la vérité de la nature. Il convient toutefois de tempérer les effets de ce postulat sur l'art de son temps, ainsi que le suggère l'énoncé de ses trois règles fondamentales : la "vérité de l'imitation", la "beauté des formes" et "les passions tempérées par la sagesse". Si la première de ces règles prônait certes l'exactitude dans le rendu du modèle, la deuxième restait néanmoins attachée à la beauté, qui "dit ampleur et ordre" en vertu du principe selon lequel "rien n'est beau que ce qui est bon." La dernière, enfin, renouait avec l'idée de tempérance dans l'expression modérée des passions." Si les deux dernières règles, écrit Philippe Durey (La Sculpture française au XIXe siècle, Rmn, 1986, p. 292), reprennent plus ou moins les principes de noblesse et de calme déjà définis par Winckelmann, la première, qui est la plus importante et dont l'application doit précéder les deux autres, constitue l'apport particulier d'Emeric David. " Toujours selon Emeric, "l'art grec fut réaliste avec choix et l'art moderne doit à son tour s'inspirer de la seule nature, pourvue qu'elle soit choisie." On ne s'en étonnera guère, cet essai devint d'emblée "une sorte de bible pour les ateliers de sculpture" (Ph. Durey), au grand dam de Quatremère de Quincy.